Les corps suivent le rythme de la musique. Là courbés, ici tendus vers le plafond, parfois épousant le sol. Les yeux sont clos et les bras s’élancent, tracent des mouvements amples, presque envoûtés. « Imprégnez-vous de la sensation que vous procure la musique et laissez-vous porter. Soyez ici et maintenant », intime Audrey Mangin. Cheveux relevés en un haut chignon, la professeure de yoga propose une expérience de « danse intuitive » à ses élèves venus suivre son enseignement au domaine du Payanet, au cœur de la Provence. La pratique, faite de mouvements spontanés, vise à libérer les émotions et à se reconnecter à soi. Une dizaine de personnes inscrites à cette « retraite yoga et méditation » poursuivent là, dans le parc naturel du Verdon, une « recherche d’équilibre ».
Ce type de séjour, très populaire auprès d’une jeunesse en quête de « ralentissement », s’organise autour de séances de yoga matin et soir, et promet une « déconnexion du brouhaha citadin », dans un cadre de pleine nature et avec des repas végétariens et bios. Parmi les activités proposées, une initiation à la sophrologie, des séances de méditation au bord d’un lac, des « bains sonores » où le corps est comme immergé dans les vibrations produites par des bols tibétains… Ce week-end-là, la plupart des participants ont moins de 40 ans : quasi exclusivement de femmes, venues seules se ressourcer, se « recentrer ».
« Essayer de donner un sens au monde »
Les « retraites spirituelles » se multiplient depuis quelques années, mêlant des pratiques plus ou moins ésotériques, devenues familières pour une partie de la jeunesse, qui s’en abreuve sur les réseaux sociaux. Pour attirer ce public, souvent diplômé et urbain, les créneaux de ces nouvelles villégiatures ne cessent de se diversifier : des voyages yoga surf aux séjours détox en passant par des semaines de méditation en silence total, des initiations au chamanisme à l’autre bout du monde, ou même des stages de sylvothérapie (des câlins aux arbres).
« Les jeunes générations voient dans certaines pratiques ésotériques des moyens de pallier les incertitudes d’une société où tout change extrêmement vite, souligne l’historien des religions Damien Karbovnik. Ce sont des alternatives pour essayer de donner un sens au monde, dans un contexte où les institutions religieuses traditionnelles ont été peu à peu rejetées. » Ainsi de la cartomancie ou de l’astrologie, en expansion fulgurante chez les plus jeunes sur Instagram et TikTok, puis, « à l’approche de la trentaine », de tout ce qui a trait aux « thérapies alternatives, parfois à dimension religieuse », indique l’historien.
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