Quand nous avons emménagé dans cette maison, l’an dernier, ma première bataille n’a pas été contre l’administration française, ni pour parvenir à maîtriser le subjonctif, mais contre un bosquet de bambous qui s’étendait du portail jusqu’au perron. Lorsque je rentrais les bras chargés de courses en équilibre instable, les chiens dans mes pieds, leurs racines me faisaient trébucher, et leurs feuilles, qui me fouettaient le visage, m’empêchaient de voir quoi que ce soit. Sans parler que c’était un sacré bazar ! J’aurais été plus bienveillante si nos prédécesseurs avaient planté un roncier, car, au moins, j’aurais pu faire des confitures…

Je m’étais confiée à ce sujet à un ami jardinier français, lui expliquant que, selon moi, la vente des bambous devrait être soumise à autorisation et assortie de consignes très strictes (avec, éventuellement, une amende en cas de non-respect) interdisant leur plantation en dehors de pots afin de limiter l’expansion de leurs racines traçantes : “Comment diable peut-on avoir l’idée de planter quelque chose d’aussi moche dans un petit jardin ?” me lamentais-je, les mains pleines d’ampoules à force d’avoir joué du sécateur dans cette jungle maléfique durant tout un après-midi.

“C’est pour créer un écran, m’avait répondu mon ami. Pas seulement pour préserver votre intimité, mais pour cacher ce que vous possédez. Les Français ont horreur d’afficher leurs richesses.”

Ne pas se dévoiler

Voilà qui m’a fait penser à certaines maisons, pas du tout tape-à-l’œil, que nous avions eu l’occasion de louer en France ces dernières années : beaucoup étaient peu engageantes de l’extérieur mais ravissantes à l’intérieur. Je pense en particulier à une maison située dans une ruelle tortueuse. Sa porte d’entrée à deux battants, dont la peinture vert foncé était toute délavée et écaillée, et qui était enchâssée dans un mur austère en basalte gris, s’ouvrait en fait sur une charmante cour du XVIe siècle, regorgeant de palmiers, de roses et de géraniums, et donnait accès à une maison qui renfermait de nombreux meubles anciens (dont une commode co