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Jean Baubérot, historien et sociologue : « Contrairement à l’école, l’armée met en œuvre une laïcité efficace »

La laïcité doit-elle imposer une voie unique vers l’émancipation ? L’Etat doit-il mettre au pas les religions, au risque de désunir les Français et fragiliser la nation face aux périls géopolitiques ? Tels étaient les questionnements des pères fondateurs de la laïcité française, selon l’historien Jean Baubérot. Et ils continuent de résonner aujourd’hui.

Propos recueillis par 

Publié le 17 mars 2024 à 05h00

Temps de Lecture 8 min.

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L’historien et sociologue Jean Baubérot publie le dernier tome d’une vaste enquête sur la loi du 9 décembre 1905 instaurant la séparation des cultes et de l’Etat (La loi de 1905 n’aura pas lieu. Tome III - L’Eglise catholique « légale malgré elle », Editions de la Maison des sciences de l’homme, 432 pages, 29 euros). Dans cet ouvrage, le spécialiste de la laïcité démontre que, loin de « la légende dorée républicaine et de la légende noire catholique », ce texte n’a pas été pensé comme une mise au pas de la religion, mais répondait avant tout à un besoin de consolider une société française fracturée, notamment face à de nouveaux périls géopolitiques. Une situation non sans résonance avec la nôtre.

Cela fait vingt ans que la loi interdisant le port de signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires a été promulguée. En 1849, déjà, la première occurrence connue du mot « laïcité » en français (dans un compte rendu du conseil général du Var) s’inscrivait dans des débats sur la place du religieux dans l’enseignement… Pourquoi la question laïque est-elle si sensible à l’école ?

L’importance accordée à l’école est l’une des spécificités fortes de la laïcité française. Dans La Dépêche du 30 avril 1905, quelques mois avant le vote de la loi du 9 décembre, Jean Jaurès [1859-1914] prônait « l’éducation laïque des générations successives » pour inculquer aux croyants « les mœurs de la liberté ».

Il existait déjà, au XIXe siècle, cette idée que l’école est le lieu de l’apprentissage de l’esprit critique et de l’autonomie intellectuelle pour former des citoyens électeurs. On la trouve au fondement de la morale laïque, dont l’enseignement remplace l’instruction morale et religieuse en 1882. Ses valeurs centrales étaient la dignité de la personne humaine et la solidarité : il s’agissait d’éviter à la fois un retour de l’autoritarisme impérial et une insurrection comme celle de la Commune. Toutefois, la laïcisation scolaire s’est opérée de façon assez « conciliante » envers les religions.

Qu’entendez-vous par là ?

Jules Ferry, ministre de l’instruction publique et père de la loi de 1882 sur l’école publique laïque, a été attaqué par certains républicains, car il avait notamment instauré un jour sans école dans la semaine – d’abord le jeudi, puis le mercredi – pour faciliter la tenue du catéchisme : selon ses détracteurs, on allait permettre aux curés de détruire ce que l’instituteur construisait le reste de la semaine.

D’autre part, Ferry a défendu la liberté de l’enseignement, c’est-à-dire la possibilité d’ouvrir des écoles privées d’inspiration religieuse, face aux tentatives d’imposer le monopole de l’instruction laïque. On entend souvent dire que l’école est laïque, gratuite et obligatoire. Formulé ainsi, c’est faux : l’école laïque n’est pas obligatoire, puisqu’on peut inscrire son enfant dans une école privée confessionnelle – et la loi Debré, en 1959, officialise l’enseignement privé et le subventionne.

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