BFMTV
Religions

"On franchira une ligne rouge": les évêques de France s'opposent à une nouvelle loi sur la fin de vie

Eric de Moulins-Beaufort,  président de la Conférence des évêques de France, à Lourdes le 7 avril 2022

Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, à Lourdes le 7 avril 2022 - GEORGES GOBET

Le président de la Conférence des évêques de France se prononce dans Le Parisien pour une pleine mise en œuvre de la législation actuelle plutôt que le vote d'une nouvelle loi sur la fin de vie.

Alors que les débats sur la fin de vie doivent reprendre avec le lancement d'une convention citoyenne sur ce sujet en décembre, les évêques de France affirment une nouvelle fois leur position. Dans un entretien au Parisien publié vendredi, le président de la Conférence des évêques de France (CFE), Éric de Moulins-Beaufort, se prononce pour une "amélioration" de la loi Claeys-Leonetti plutôt qu'une nouvelle loi autorisant l'aide active à mourir.

Déclarant que la loi Leonetti "n’est pas encore vraiment mise en œuvre", l'archevêque de Reims estime qu'"on peut s’étonner qu’il y ait besoin, avant même d’avoir appliqué une loi, d’en préparer une autre".

La loi Leonetti encadre et fixe le droit d’accès aux soins palliatifs. Elle affirme notamment le droit du malade à l’arrêt de tout traitement et à bénéficier d'une sédation profonde et continue jusqu'à son décès. Cela lorsque son pronostic vital est engagé à court terme, comme après un accident de la route par exemple.

"On franchira [la ligne rouge] si l’on vote l’aide active à mourir, parce qu’on sera dans une société qui se donnera le droit de faire mourir quelqu’un, ce qui est quand même très grave!", a déclaré Éric de Moulins-Beaufort au Parisien.

"Bâtir une société sur le fait que l’on s’aide à vivre et non pas à mourir me paraît un choix essentiel qui a d’immenses conséquences sur l’ensemble de notre société", développe-t-il.

Euthanasie et assistance au suicide

L'expression "aide active à mourir" recouvre les notions d’euthanasie et d’assistance au suicide, selon la définition donnée par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) dans un avis rendu public en septmbre.

L'euthanasie est "un acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable", selon le CCNE. L'assistance au suicide consiste quant à elle à "donner les moyens à une personne de se suicider elle-même".

La différence entre les deux actes est donc notamment le degré d'implication d'une tierce personne. Pour l'assistance au suicide, cette action extérieue peut "se limiter à la prescription médicale d’un produit létal" mais pour une euthanasie, "un médecin administre lui-même le produit", explique le CCNE.

"Le suicide est une décision individuelle, mais le suicide assisté, lui, devient une décision collective. Peut-on encore bâtir une société lorsque le désir individuel s’impose au bien commun?", demande le chef des évêques de France ce vendredi.

Une convention citoyenne jusqu'en mars

Dans son avis de septembre, le Comité consultatif national d’éthique, composé de scientifiques mais aussi de personnalités du monde politique ou juridique, constate une "mise en œuvre très insuffisante de la législation en vigueur" et se prononce pour un "renforcement des mesures de santé publique dans le domaine des soins palliatifs".

Il ne se prononce pas contre la dépénalisation de l’aide active à mourir mais y demande des conditions, comme une réévaluation régulière d'une éventuelle loi sur le sujet.

Cela fait partie des questions qui devront être tranchées par la Convention citoyenne sur la fin de vie. Le tirage au sort a des participants débuté le 25 octobre et doit s'achever début décembre, selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE), une assemblée consultative de représentants de la société française.

Annoncée en septembre par Emmanuel Macron la Convention citoyenne doit rendre ses conclusions en mars. "Dans le même temps, des débats seront organisés dans les territoires par les espaces éthiques régionaux", selon le gouvernement. Ce dernier prévoit ensuite un travail "transpartisan" avec les députés et les sénateurs.

Sophie Cazaux