Le 14 octobre, deux membres du collectif Just Stop Oil parvenaient à susciter une colère mondiale après avoir projeté le contenu d’un pot de soupe à la tomate sur Les Tournesols, de Van Gogh. Le tableau était exposé à la National Gallery, à Londres. Ces derniers mois, et singulièrement ces dernières semaines, des actions semblables ont été menées en Australie, en Ecosse, en Italie, en Allemagne. Il fait peu de doute qu’elles se multiplieront, en dépit des fractures qu’elles ouvrent au sein même du mouvement environnementaliste et de ses sympathisants.
Pour nombre d’entre eux, de telles actions sont non seulement absurdes et inutiles, mais aussi contre-productives. Incompréhensibles pour le plus grand nombre, elles pourraient même éloigner de la cause environnementale ceux qui restent à convaincre, en assimilant l’engagement pour le climat et la biodiversité à la violence, au sectarisme, voire au terrorisme. Pour d’autres, la force de ces « performances » militantes est, au contraire, de faire la démonstration empirique de ce qu’elles dénoncent. Et, peut-être, de faire advenir une forme de réflexivité, en plaçant tout un chacun devant ses contradictions.
« Pourquoi pensez-vous qu’un tableau est plus important que la préservation de la vie sur Terre ? », demandent en substance les activistes de Just Stop Oil. Alors que nous devons bien convenir que la question est évidemment rhétorique, force est de constater que leur modeste attentat, sans même abîmer l’œuvre visée, a soulevé une attention médiatique et une indignation collective très supérieures à ce que suscitent habituellement les décisions et les politiques publiques qui ancrent chaque jour un peu plus le monde sur une trajectoire de catastrophe.
Destruction méthodique en Ouganda
Nul ne peut plus ignorer qu’un tableau de Van Gogh a été symboliquement maculé de rouge, mais, hormis ceux qui suivent de près l’actualité environnementale, combien de nos concitoyens savent que Total parachève ces jours-ci des expropriations de masse préalables à la destruction méthodique d’un immense et inestimable biotope en Ouganda, aux fins d’exploitation pétrolière ? Qui sait que la major française a déposé début septembre une demande d’exploitation de gisements gaziers au large des côtes sud-africaines, pour l’équivalent probable de 1 milliard de barils de pétrole ? Deux adolescents armés d’un pot de sauce tomate nous inquiètent plus que les multinationales qui enclenchent, chaque jour ou presque, des bombes à retardement climatiques.
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