« Il y a peut-être longtemps que tu n’as pas pris la sainte cène ou reçu une bénédiction. Mais le Seigneur est juste et tolérant, il est prêt à te tendre la main », rassure le pasteur Michel Renard, alias Doundoune. Ce vendredi-là comme beaucoup d’autres soirs, à la tombée de la nuit, le pasteur manouche invite ceux qui se sont éloignés de Dieu à s’en rapprocher.
Face à lui, une centaine de gens du voyage réunis sous un immense chapiteau bleu et blanc, à l’occasion d’une réunion d’évangélisation de la Mission évangélique des Tziganes de France, nommée aussi Vie et lumière, importante église pentecôtiste.
Autour du chapiteau, un champ de caravanes. En ce milieu du mois de juillet, nous sommes en périphérie de Cabourg, en Normandie, sur un campement des « grands passages », une pratique religieuse et sociale pivot de la communauté tsigane évangélique. Initiée par Vie et lumière, cette forme de nomadisme moderne redonne du souffle au voyage au sein de ces populations qui, pour la plupart, se sédentarisent.
Les « grands passages » existent depuis la fin des années 1970. A la fin d’une retraite spirituelle organisée tous les ans par Vie et lumière dans le Loiret à la mi-mai, des milliers de Tsiganes se mettent en route jusqu’à fin août. Lors de cette saison estivale 2022, un total de 135 groupes, composés de 50 à 200 caravanes, parcourt ainsi la France de ville en ville.
Lors de ce temps fort, les familles vivent et clament leur foi, profitent des joies de l’été mais aussi travaillent en prenant part à des foires, des marchés locaux ou en faisant de la vente en porte-à-porte. Aujourd’hui, la Mission évangélique des Tsiganes de France compte 130 000 membres.
A l’origine de cette nouvelle tradition pentecôtiste se trouve le pasteur Clément Le Cossec. En 1947, ce dernier noue des contacts avec des Tsiganes en situation de précarité dans le nord de la France, alors qu’il est pasteur d’une église pentecôtiste à Lille. A partir de 1952, le pasteur breton se consacre pleinement à l’évangélisation du peuple de voyageurs et forme de nombreux prédicateurs. La communauté prendra de l’ampleur au fil des ans et va même s’institutionnaliser : depuis 1975, la Mission évangélique des Tsiganes de France est membre de la Fédération protestante de France (FPF).
Sur le campement, une vie entre rituels et liberté
A Cabourg, mi-juillet, le groupe de près de 80 caravanes, encadré par trois pasteurs, a trouvé refuge sur un vaste terrain vague, après un mois et demi d’itinérance en Île-de-France. Les plaques d’immatriculation témoignent des lieux d’habitation variés des voyageurs : Sarthe, Val-de-Marne, Orne, etc.
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