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« La Religion woke », de Jean-François Braunstein : la chronique « essai » de Roger-Pol Droit

Le philosophe défend l’idée, arguments forts à l’appui, que le « wokisme » est une religion. Dont il faut s’inquiéter.

Publié le 16 septembre 2022 à 08h00, modifié le 16 septembre 2022 à 08h00 Temps de Lecture 2 min.

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« La Religion woke », de Jean-François Braunstein, Grasset, 282 p., 20, 90 €, numérique 15 €.

LES « WOKES », NOUVEAUX FANATIQUES ?

« Woke » veut dire « éveillé », c’est-à-dire vigilant, conscient des injustices à combattre, actif dans les luttes contre les dominations. Le terme s’est diffusé dans les ­années 2010 pour désigner les nouveaux mouvements militants émergeant des campus univer­sitaires américains. Arrivé en France vers 2020, le vocable n’a cessé de se propager. Au premier abord, cette vague politique paraît désireuse de justice et d’égalité. Refuser les discriminations selon les genres, combattre l’héritage esclavagiste, dénoncer les méfaits des phobies… qui serait contre ? Les wokes dérangent l’ordre mental établi. Comme bien d’autres avant eux, ou très différemment ?

Pour le philosophe Jean-François Braunstein, professeur émérite de philosophie à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, au­teur notamment de La Philosophie devenue folle (Grasset, 2018), ce mouvement n’est ni une mode politique ni une idéologie, mais bien, à proprement parler, une religion. L’affirmation surprend. Pourtant, les analyses précises qu’il développe dans La Religion woke, fondées sur une vaste documentation de première main, montrent que cette thèse ne manque pas d’arguments forts.

L’organique, voilà l’ennemi

Pourquoi nommer religion cette effervescence multiforme ? D’abord à cause de son déni du corps, de son refus de la réalité physique et de ses limites. En effet, l’idéal d’une « fluidité » des genres opposée aux identités ­stables (par exemple chez Judith Butler), la croyance qu’il suffit de déclarer ce qu’on désire être pour le devenir supposent une puissance de l’esprit supérieure aux contraintes de la nature. « Nos consciences fabriquent le monde. » L’organique, voilà l’ennemi. Nos corps biologiques ne seraient pas déterminants, seules le seraient nos décisions intimes. La biologie, qui distingue des ­mâles et des femelles, ne serait pas une science, mais un mythe destiné à imposer la binarité, une imposture à déconstruire.

Autre figure diabolique : l’antiracisme universaliste et humaniste. Etre « aveugle aux couleurs », ne faire aucune différence entre Noirs et Blancs, ne signale plus une absence de racisme, mais sa présence sournoise. La « théorie critique de la race » (Richard Delgado) considère l’universalisme comme une invention piégeuse de la « blanchité » (Robin DiAngelo). Au lieu d’effacer les races, il faudrait tout voir à travers leur prisme et s’éveiller au fait que les Blancs sont tous coupables, tous racistes (Ibram X. Kendi). C’est pourquoi leurs discours, leurs savoirs, leurs institutions sont à rejeter. Il est même officiellement conseillé d’en finir avec les mathématiques, jugées « blanches », au grand dam de Sergiu Kleinerman, professeur à Princeton, et avec la logique (explicitement qualifiée de « raciste » dès 2017 à l’université Evergreen).

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